mercredi 30 avril 2014

Tiède et anodin

"Ce sont des faillites ambulantes travesties en passants, fardées à l'outrage de normalité, et même ici, affaissé de tout mon long sur cette bouche de chaleur putride, je n'ai pas échoué en regard de ce qu'ils ont atteint. (...) Ils parlent sans jamais rien dire, ils plaisantent ou racontent leurs petites vies, ne font que décalquer en mots leurs trames de vies néant. Ce sont des paraphrases incarnées, où que j'aille c'est la paraphrase à travers les corps mouvants qui a cours toute seule, en toute occurrence c'est la paraphrase seule qui s'écoute parler, s'enivrant en crâne clos des mêmes inepties chaque matin. Ce peut être le premier à parler ou le dernier, on a d'emblée la certitude qu'il paraphrase. Redite est synonyme de sa vie, il doit se répéter et paraphraser sous peine de se sentir en manque et s'il se tait c'est pire car on s'aperçoit qu'il est une paraphrase bipède. Sa présence seule est l'avorton d'une redite fétide. Tiède et anodin comme un étron, il se met dans tous ses états pour s'être entendu dire ce qu'il est. Et pour lui dire ce qu'il est, nul ne se dévoue hormis le Mehdi qui se colle à toutes les témérités; c'est leur vengeance que mes lèvres collées à la chaussée froide pour que je ne l'ouvre plus." 
Mehdi Belhaj Kacem, 1993


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire