lundi 16 juin 2014

Complètement infréquentable

"Le héros journalistique, comme tous les héros scientifiques, artistiques ou bancaires est toujours un supplétif de la Bourse, de la Maffia ou de l'Etat. Il se rêvasse toujours en conseiller du Prince et c'est pourquoi il est l'ennemi des vérités indésirables, chargé simplement d'aider à passer le temps de la liberté dictatoriale du marché. Quand un journaliste accepte de mettre le doigt sur une dés-information, c'est toujours finalement au service d'une autre idée de l'Etat et de la marchandise comme si les aventures vénales de la pègre capitaliste et de sa dette intarissable pouvaient nous engager ailleurs que sur les chemins de nouvelles affaires suspectes toujours plus louches. C'est pourquoi ce qu'il voit, il ne le regarde que pour ne point voir où cela mène car s'il s'y rendait, il deviendrait non seulement non-recommandable mais complètement infréquentable." 
Francis Cousin, l'être contre l'avoir, page 20



jeudi 12 juin 2014

Au bout du rouleau

"Dans tous les pays, les classes dirigeantes sont arrivées à un point de paralysie insurmontable. 

Il y a une crise insoluble parce que, du point de vue de la logique du capital, les salaires sont à la fois trop élevés et trop bas. Trop élevés pour permettre de produire de la plus-value (coûts de production), mais trop bas pour permettre à cette plus-value de se réaliser sous forme de profits (solvabilité). 

Le fait que les salaires sont à la fois trop hauts et trop bas montre que le problème ne vient pas des salaires mais des profits. En d'autres termes: plus rien ne peut changer le fait que le taux de profit est nul.


La logique du capital est que la disparition du profit rend nécessaire que les salaires réels tombent à zéro (que ce soit par une baisse du salaire nominal ou par l'inflation). Pourtant, la gauche est paralysée, elle n'arrive pas à passer le cap: passer d'une lutte pour l'augmentation des salaires à la lutte pour l'abolition du salariat."
Traduit de The real movement (octobre 2013)

lundi 9 juin 2014

Réussis ton entretien d'embauche



«I AM WHAT I AM.» C’est la dernière offrande du marketing au monde, le stade ultime de l’évolution publicitaire, en avant, tellement en avant de toutes les exhortations à être différent, à être soi-même et à boire Pepsi. Des décennies de concepts pour en arriver là, à la pure tautologie. JE = JE. 

Il court sur un tapis roulant devant le miroir de son club de gym. Elle revient du boulot au volant de sa Smart. Vont-ils se rencontrer ?

« JE SUIS CE QUE JE SUIS. » Mon corps m’appartient. Je suis moi, toi t’es toi, et ça va mal. Personnalisation de masse. Individualisation de toutes les conditions – de vie, de travail, de malheur. Schizophrénie diffuse. Dépression rampante. Atomisation en fines particules paranoïaques. Hystérisation du contact. Plus je veux être Moi, plus j’ai le sentiment d’un vide. Plus je m’exprime, plus je me taris. Plus je me cours après, plus je suis fatiguée. 

Je tiens, tu tiens, nous tenons notre Moi comme un guichet fastidieux. Nous sommes devenus les représentants de nous-mêmes – cet étrange commerce, les garants d’une personnalisation qui a tout l’air, à la fin, d’une amputation.

Nous assurons jusqu’à la ruine avec une maladresse plus ou moins déguisée. En attendant, je gère. La quête de soi, mon blog, mon appart, les dernières conneries à la mode, les histoires de couple, de cul… ce qu’il faut de prothèses pour faire tenir un Moi ! Si « la société» n’était pas devenue cette abstraction définitive, elle désignerait l’ensemble des béquilles existentielles que l’on me tend pour me permettre de me traîner encore, l’ensemble des dépendances que j’ai contractées pour prix de mon identité. Le handicapé est le modèle de la citoyenneté qui vient. Ce n’est pas sans prémonition que les associations qui l’exploitent revendiquent à présent pour lui le «revenu d’existence ».

L’injonction, partout, à « être quelqu’un » entretient l’état pathologique qui rend cette société nécessaire. L’injonction à être fort produit la faiblesse par quoi elle se maintient, à tel point que tout semble prendre un aspect thérapeutique, même travailler, même aimer. Tous les « ça va ? » qui s’échangent en une journée font songer à autant de prises de température que s’administrent les uns aux autres une société de patients. La sociabilité est maintenant faite de mille petites niches, de mille petits refuges où l’on se tient chaud. Où c’est toujours mieux que le grand froid dehors. Où tout est faux, car tout n’est que prétexte à se réchauffer. Où rien ne peut advenir parce que l’on y est sourdement occupé à grelotter ensemble. Cette société ne tiendra bientôt plus que par la tension de tous les atomes sociaux vers une illusoire guérison. C’est une centrale qui tire son turbinage d’une gigantesque retenue de larmes toujours au bord de se déverser.

samedi 7 juin 2014

Une si grossière ironie

"Lorsqu’il s’adresse distinctivement à la Jeune-Fille, le Spectacle ne répugne pas à un peu de bathmologie. Ainsi les boys band et les girls band ont-ils pour toute signification de mettre en scène le fait qu’ils mettent en scène. Le mensonge consiste ici, au moyen d’une si grossière ironie, à présenter comme un mensonge ce qui est au contraire la vérité de la Jeune-Fille."


vendredi 6 juin 2014

Encore plus de plus

"C'est une attitude qui commence à être familière. Toutes les fois que les peuples manifestent, d'une façon ou d'une autre, leurs désaccords ou leur méfiance devant le train du monde, ce n'est jamais ce train dont on prend la peine de réexaminer au moins l'allure et la direction, mais c'est le comportement récalcitrant des peuples que l'on incrimine. Et finalement, sans lui accorder la moindre pertinence, on conclut qu'il faut aller plus loin et surtout plus vite dans à peu près tous les domaines qui ont provoqué ce comportement si révoltant."
Philippe Muray, Exorcismes spirituels tome 3 (2002)

jeudi 5 juin 2014

Bonnes résolutions



Résolution 1: Arrêter de parler de politique et commencer à envisager la disparition de la politique et de l'Etat
Pour savoir comment remplacer le capitalisme, il faut commencer par remplacer la politique. Pour je ne sais quelle raison, les communistes considèrent la politique comme la meilleure forme d'activisme social. Et même quand ce n'est pas le cas (par exemple avec le mouvement Occupy) ils semblent incapables de concevoir un activisme qui ne soit pas politique. Or le problème de tout activisme politique est qu'il ne change pas, et ne peut pas changer les relations matérielles réelles de la société. Par définition, toute action politique est superficielle et économiquement déficiente; il nous faut un activisme radical. Un activisme anti-politique, qui prend pour point de départ la décision irrévocable de rester en dehors de l'Etat, de l'abolir et de le remplacer par la libre association. Nous ne voulons rien de l'Etat. Nous voulons qu'il disparaisse. Nous ne lui demandons rien à part de disparaître. Et s'il ne disparaît pas de son plein gré, nous devons l'y forcer. 

La fin de l'Etat ne peut se concevoir sans la fin simultanée des frontières et des nations. L'action anti-politique doit se choisir pour but l'établissement d'une association qui est immédiatement universelle - globale - et englobe les travailleurs de toutes les nations. Il faut revenir à la racine, se rappeler que les travailleurs n'ont pas de pays. La classe travailleuse est l'expression matérielle de la dissolution des nations, classes, religions, etc...


Résolution 2: Arrêter de parler des salaires, des retraites, du chômage et des prestations sociales et commencer à réfléchir à la manière de sortir du salariat
Le travail salarié n'est pas neutre: il ne sert pas uniquement à enrichir une petite minorité, il crée la pauvreté pour des milliards de personnes à côté de cette richesse. Le travail salarié, en lui-même, est la création active de la pauvreté et de la misère, il est le processus d'appauvrissement des travailleurs. Il n'existe aucun moyen de changer la nature du travail salarié, et donc d'empêcher l'appauvrissement de la totalité de la population de la planète. Toute tentative de défense du travail salarié ou du plein emploi est une tentative de défendre la pauvreté, la misère et la dévastation environnementale. 


Résolution 3: Arrêter de parler du fonctionnement du capitalisme et accepter de voir qu'il ne peut que travailler à sa propre destruction et qu'il doit nécessairement disparaître
Le seul argument qui existe en faveur du communisme est que les contradictions du capitalisme sont insolubles. Il faut que nous acceptions de voir que la société actuelle et les relations sociales actuelles sont déjà anachroniques; il n'y a plus rien à faire pour sauver le capitalisme, il faut le laisser mourrir et rejoindre les autres anciens modes de production au musée. La fin du capitalisme sera la fin de toutes les relations sociales existantes, fondées sur le travail salarié. Rien de la société actuelle ne demeurera. Avec la fin du capitalisme, ce doit aussi être la fin du travail salarié et de l'Etat. Les membres de la société seront libres de choisir toutes les relations sociales qui correspondent à leurs aspirations en tant qu'individus. Leur activité sera autonome, uniquement motivée par leurs buts personnels. Rien dans le "fonctionnement" du capitalisme ne survivra une fois que la société sera devenue communiste, c'est à dire fondée sur le temps libre et disponible de l'immense majorité des gens. Aller au-delà du capitalisme signifie très exactement rejoindre un ensemble de conditions qui violent le "fonctionnement" du capitalisme dans toutes les sphères de la vie sociale.


Résolution 4: Commencer à penser au-delà des classes et de la société de classes
Nous devons nous lever et dire que nous ne voulons pas être des travailleurs et que nous ne voulons pas l'amélioration de la classe travailleuse mais son abolition. Il nous faut expliquer à tous les gens bien intentionnés que nous n'avons pas besoin de leur aide, nous ne voulons pas de leur aide, sous quelque forme que ce soit. Nous ne voulons pas des emplois, nous voulons la fin du travail. Nous ne voulons pas des salaires, nous voulons la fin de l'argent. Nous ne voulons pas être protégés contre les prédateurs de wall street, ni des réformes pour l'amérioration de la gouvernance d'entreprise ou la réglementation environnementale, mais la fin de l'Etat lui-même. Il n'y a rien que les politiciens puissent faire pour nous - pas de lois, pas de résolutions, pas de réformes, pas de "filet de sécurité sociale". Rien ne peut être fait pour nous que nous ne puissions faire nous-mêmes. 

Le terme de "travaileur" doit devenir une insulte, du même ordre que "sale nègre". Etre un travailleur, c'est être soumis à toutes les forces de la société, sans défense, dépendant, et ne méritant aucun autre statut que celui d'esclave. La mentalité communiste consistant à exalter la vertu du travailleur et à le placer sur un piédestal doit cesser. Cela signifie, par-dessus tout, que les communistes doivent admettre que dans notre révolution, chacun d'entre nous agit en tant qu'individu, pas en tant que membre d'une quelconque classe.
Traduit de The real movement (janvier 2014)

mercredi 4 juin 2014

Engraisser la bête

"Il vaut mieux pomper d'arrache pied même s'il ne se passe rien que de risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas."
Proverbe Shadok